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— Pas plus ailleurs qu’ici. Tâchez d’oublier que nous nous sommes connus.

— Le pourriez-vous, vous-même ?

— J’ai oublié !

J’étouffai un cri, et je m’enfuis comme si la malédiction divine était tombée sur moi.


IX


Après cela le séjour de l’Italie m’était devenu presque odieux. Je résolus d’aller me fixer à Paris. La veille de mon départ, je fus errer aux abords de la maison Falghieri. Ayant aperçu Nino, je le pris un instant avec moi et je lui confiai une lettre ayant bien soin de lui faire comprendre qu’il devait la remettre secrètement à sa tante Pia. Je suis sûr que l’enfant s’acquitta parfaitement de la commission. La réponse que j’espérais, et qui aurait pu me faire changer de détermination, ne vint pas, et je partis. La rupture, que j’avais voulue dans le temps, était bien consommée. Cette « fornarina », — comme l’appelait dédaigneusement miss Margaret, — dont l’alliance m’avait paru naguère peu flatteuse pour mon orgueil, oui, cette « fornarina », après m’avoir aimé, me repoussait, me répudiait, m’oubliait ! J’étais puni par où j’avais péché.

Le temps que je mis à visiter attentivement tout ce que Paris renferme de curieux et d’utile pour un artiste m’empêcha de ressentir d’abord trop douloureusement la blessure dont j’étais atteint. Mais quand je me retrouvai seul dans le silence de l’atelier, le souvenir de mon bonheur évanoui vint bientôt, comme un fer qu’on retourne dans une