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De retour à Prato, j’eus soin de ne pas rompre immédiatement avec les Falghieri. Je fus les revoir comme par le passé ; mais tout en désirant secrètement que Pia pût me rencontrer, je m’arrangeais toujours de manière à ce qu’elle ne fût pas là au moment de mes visites. De son côté, si parfois elle se trouvait en ma présence, Pia se contentait d’échanger avec moi les quelques paroles d’une politesse banale, et trouvait fort adroitement le moyen d’éviter les occasions où nous aurions pu nous expliquer. Heureusement pour moi, — car cette vie m’était insupportable, — je trouvai un atelier dans une autre partie de la ville, et je m’empressai de m’y installer. Les quinze premiers jours ne me parurent pas trop mauvais. Mais ensuite le temps commença à me sembler long ; il me manquait quelque chose, et ce quelque chose, j’avais beau me le nier à moi-même, c’était Pia. Depuis que je ne la voyais plus je sentais mon âme dépareillée. Il y avait des instants où j’aurais donné la moitié de ma vie pour la voir encore à mes côtés, pour l’entendre me dire une seule parole. Alors je quittais tout et je me dirigeais vers sa demeure, bien résolu à la forcer à m’écouter et à m’absoudre. À peine étais-je à quelques pas de la porte, le maudit amour-propre me retenait, et je me disais : Non, je ne veux pas être le premier à revenir. Non, je ne m’humilierai pas devant elle ; il est impos-