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de vous voir vertueux sans le mérite, et surtout dans les dangers de la liberté.

— Folle ! repris-je, vous ayant ainsi à mon bras, ne suis-je pas lié à tout jamais ?

— Oh ! puissé-je marcher toujours ainsi dans la vie appuyée sur vous !

— Alors vous m’aimez bien, Pia ?

— Après ce que je fais pour vous, me le demander est étrange.

— N’importe, je veux entendre sortir de votre bouche ce doux mot : je vous aime !

— Eh ! bien, oui, Carlo, je vous aime. Mon âme est toute à vous depuis longtemps. Je ne vois que vous, je n’entends que vous, et c’est vous seul que mon âme désire.

— Qu’un baiser soit donc le gage et le sceau de notre bonheur à venir !

Aussi éperdue que moi de joie et d’amour la chère enfant reçut et rendit le baiser ; puis toute tremblante à mon bras elle chercha Nino du regard. L’enfant était encore à jouer dans la prairie ; il n’avait rien vu : mais comme s’il devait être une sauvegarde contre un plus grand danger, elle l’appela et le retint près de nous. Nous longeâmes encore deux fois la haie, sans nous dire grand’chose. Moi, j’étais frémissant, j’avais le feu dans les veines, et tous mes sens étaient bouleversés. Pia marchait la tête baissée. Tout à coup elle me dit :

— Les oiseaux sont immobiles et ne chantent plus.