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chantaient, les feuilles des arbres, mollement agitées par la brise matinale, semblaient se raconter mystérieusement les histoires de la nuit, et la terre tout entière, amoureusement caressée par les premiers rayons du soleil, entonnait son immense hosannah de chaque jour. Tout à coup, une fauvette à tête noire vint se percher sur une branche au-dessus de nous, et se mit à chanter. Elle chantait toujours malgré nos regards fixés sur elle ; notre attention semblait même exciter son ardeur, et ses notes harmonieuses correspondait à l’hymne d’amour et de lumière qui remplissait nos cœurs.

— Voyez, dis-je à Pia, c’est vous qu’elle célèbre ; elle dit que vous êtes jeune et belle.

— Je préférerais qu’elle dit que je suis aimée.

Elle le chante ; car je vous aime de toute mon âme. Et vous Pia, m’aimez-vous ?

— Vous le savez bien.

— Oh ! répétez-moi ce doux mot qui renferme tout ce qu’il y a de bonheur au monde.

— J’ai bien peur que cette Américaine, que le serpent du chemin creux semblait m’annoncer, ne soit venue me prendre une part de mon bonheur. Songez-y bien, Carlo, un baiser, un seul attouchement à une autre femme, et tout est fini entre nous. Mon amour en mourrait, comme on meurt d’une seule goutte de certains poisons ; et je ne voudrais pas lui survivre.