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lonner en mon âme, je ne trouvais pas une parole ; ma langue s’attachait à mon palais, et mon cœur battait à briser ma poitrine. Faisant enfin un effort, je prononçai ces mots : « Pia, ma chère Pia !… » et je m’arrêtai tremblant, ayant froid, et sentant pourtant la sueur inonder mon visage.

Elle me regarda longuement ; et il y avait tant de joie, tant de tendresse, tant d’encouragement dans son regard que je m’écriai :

— Mon cœur est trop plein, un mot l’étouffe, il faut que je te le dise : Je t’aime, Pia ! Je t’aime !

Elle me tendit sa main que je serrai entre les miennes et je l’entendis me dire cette phrase, assez banale chez nous, et qui, si elle n’est pas l’aveu complet de l’amour, en est du moins comme l’annonce et l’espérance :

— « Ed io anche vi voglio molto bene, Carlo ».

Puis elle continua :

— Ah ! J’avais besoin de votre retour pour me rattacher à la vie. Loin de vous et sans nouvelles de vous, j’avais été prise d’un mal qui me consumait. Je n’avais plus de forces, je n’avais plus de goût à rien. Je dépérissais à vue d’œil ; ma sœur et mon beau-frère s’efforçaient en vain de relever mon courage. Ils me demandaient la cause de mon mal, et se désolaient quand je leur répondais que je n’avais rien, que je ne souffrais pas. Chaque personne qui me voyait donnait un conseil ou indiquait un remède. Mais conseils et remèdes ne pouvaient rien. J’étais une pauvre plante qui ne sentait plus