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La gradation des sentiments est parfaite ; l’intérêt et l’émotion arrivent ainsi au point culminant : à l’effondrement de l’orgueil au moment même où les préventions s’affirment et tournent à la haine.

Un enchaînement aussi savant des mêmes petits faits va lentement modifier les parti-pris d’Elisabeth. La lettre de Darcy lui fait comprendre que sa hauteur n’est due qu’à une éducation d’orphelin riche et gâté, que les accusations de Wickham ne sont peut-être que les calomnies d’un drôle chassé pour avoir essayé de séduire la jeune sœur de son bienfaiteur, que la placidité ordinaire de Jane a pu faire croire qu’elle était indifférente et qu’elle souffrirait peu du départ de Bingley. Elisabeth regrette alors, sinon son refus, du moins sa forme brutale. Mais Darcy a quitté Rosings, et la date fixée pour le départ d’Elisabeth est arrivée. De retour à Meryton, les flirts de ses jeunes sœurs avec les officiers lui paraissent plus choquants qu’autrefois, la vulgarité bruyante de sa mère plus énervante, l’insouciance de son père plus coupable. L’embarras de Wickham, lorsqu’elle lui parle de sa rencontre avec Darcy et Filzwilliam, le tuteur de Miss Darcy, confirment les accusations portées contre lui. Elle ne désire pas encore revoir Darcy, mais elle le plaint de souffrir à cause d’elle.

Au cours d’un voyage avec son oncle et sa tante, elle visite le curieux château de Darcy alors absent. Le domaine est si joli, sa situation est si pittoresque, qu’une certaine mélancolie accompagne la pensée qu’elle aurait pu en être la maîtresse ; et, en entendant vanter autour d’elle la bonté et la justice du jeune propriétaire, elle commence à se sentir fière d’en être aimée. Darcy revient à l’improviste ; il fait les honneurs de son parc avec une amabilité qui séduit les parents d’Elisabeth, et il n’est que plus empressé lorsque, malicieusement, elle insiste sur leur qualité de simples négociants. Le lendemain, il lui présente sa jeune sœur, exprime son désir de les voir