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à la main d’une jolie fille, spirituelle et de bonne famille, désirant ardemment se marier, mais ne pouvant retenir sa langue. C’est elle qui a dû faire la difficile. « Si vous me proposiez quarante hommes tels que lui, je ne pourrais avoir votre bonheur. Il me faudrait pour cela votre caractère et votre bonté», fait-elle répondre par son héroïne favorite, Elisabeth Bennet, à sa sœur qui lui souhaite de trouver un mari aussi bon garçon que son fiancé Bingley.

Avec toutes ses brillantes qualités, elle risquait toute sa tranquillité morale dans un mariage inégal au point de vue de l’esprit ou du cœur. Sans doute, elle voulait, comme Elisabeth Bennet, un mari qu’elle put aimer et estimer, et il ne lui aurait pas déplu qu’il lui fut un peu supérieur, pour le respecter. Mais un mari au moins égal à Jane Austen par les talents et le caractère, cela n’était pas facile à rencontrer à Basingstoke, ni même à Bath ou à Southampton. Ne pouvant trouver ni un Darcy ni un Mr. Knightley, elle renonça à une union médiocre, plutôt que d’amoindrir son idéal. C’est là, croyons-nous, tout le secret du cœur de Jane Austen.

Jane ne vit pas publier son dernier ouvrage. Il ne parut qu’en 1818, réuni à L’Abbaye de Northanger, et précédé d’une courte biographie de l’auteur par son frère Henry. Comme pour les précédents, le succès des deux romans fut honorable, mais sans éclat. Après quinze ans de silence, de nouvelles éditions paraissent en 1833, 1844, 1846, 1849, 1852, puis se multiplient, montrant que des critiques intelligents ont fini par vaincre l’indifférence du grand public.

Mais ce n’est qu’en 1870, cinquante-trois ans après sa mort, qu’une biographie sérieuse nous est donnée par un de ses neveux, Mr. Austen-Leigh. La plupart des confidentes de Jane Austen étaient disparues, et les années avaient rendu un peu incertains les souvenirs de celles qui restaient. Aussi, quelques points de son existence