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donner ; car, j’ai l’intention de me réserver, à partir de ce jour, à Mr. Tom Lefroy dont je ne me soucie pas plus que de deux sous [1]. »

Mais elle ne veut pas désespérer Cassandra, et bientôt elle la rassure : « Enfin le jour est arrivé de mon dernier flirt avec Tom Lefroy ; quand vous recevrez cette lettre tout sera fini. Mes larmes ruissellent à cette pensée mélancolique [2]. » Il faudrait vraiment beaucoup de bonne volonté et bien peu de sens de l’humour pour croire à la réalité d’un chagrin exposé avec tant d’ironie.

Deux ans plus tard, elle écrit : « Mrs. Lefroy est venue mercredi, et je n’ai pas eu besoin de rester longtemps seule avec elle pour apprendre tout ce qui m’intéressait ; car elle n’a dit que très peu de chose de son ami et rien du tout de son neveu. Elle n’a même pas mentionné son nom une seule fois devant moi, et j’ai été trop fière pour l’interroger. »

C’est sur cette lettre que se base Mr. P. Fitzgerald pour affirmer la profondeur des sentiments de Jane envers Mr. Tom Lefroy. Nous sommes plus sceptiques ; et nous rappelant le ton des précédentes lettres, nous ne voyons là que la curiosité bien naturelle de savoir ce qu’est devenu un ancien flirt, et le désir d’apprendre qu’il garde encore un souvenir attendri et un peu douloureux de sa jolie danseuse. Et puis, d’après cette lettre, Cassandra aurait connue cette affection ; elle a été souvent interrogée par ses neveux sur la vie sentimentale de sa sœur, et elle n’a jamais donné cette version.

Voilà le seul roman dans la vie de Jane Austen qu’on puisse affirmer authentique. Il ne satisfera pas les lecteurs sensibles, qui s’indigneront de ces badinages sur les sentiments sincères d’un brave et timide garçon. Mais il n’y a pas lieu de prendre la chose au tragique et

  1. Letters of Jane Austen edited by Lord Brabourne.
  2. Letters of Jane Austen edited by Lord Brabourne.