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voisine et vieille connaissance de la famille Austen, avait invité un jeune neveu, Mr. Tom Lefroy, à venir passer quelques semaines chez elle. Jane la fréquentait assidûment, et, dans une lettre à sa sœur alors absente, elle parla du nouvel arrivé avec un enthousiasme qui inquiéta la sage Cassandra. Jane fut enchantée de cette occasion de la taquiner, et elle répondit : « Vous me grondez tellement dans la charmante lettre que je viens de recevoir que j’ai à peine le courage de vous parler de ma conduite avec mon ami irlandais. Imaginez ce qu’il y a de plus déréglé, de plus shocking dans notre manière de danser et de nous asseoir à côté l’un de l’autre. Mais je n’ai plus qu’une fois à me conduire aussi scandaleusement, car il nous quitte après le bal de Vendredi. C’est un vrai « gentleman », agréable et bien tourné. On se moque tellement de lui chez sa tante à cause de moi, qu’il n’ose venir à Steventon, et qu’il s’est enfui, lors de notre visite chez Mrs. Lefroy, il y a quelques jours [1]. »

On voit que, si le jeune homme semble prêt de perdre la tête, Jane conserve toute sa malice. La bonne Cassandra s’effraie davantage, et Jane redouble ses taquineries. « Il n’a qu’un défaut », écrit-elle, « que le temps fera, je l’espère, disparaître ; la couleur de son habit est trop claire. » Et elle indique que l’abandon du disgracieux vêtement lui paraît la condition essentielle à poser en réponse à une hypothétique demande en mariage ; puis, pour terrifier sa sœur, elle ajoute : « Dites à Mary que je lui abandonne en toute propriété, pour son seul usage et bénéfice dans l’avenir, Mr. Hartley et tous ses domaines ; et non seulement lui, mais encore tous mes autres admirateurs par dessus le marché, en tous lieux où elle pourra les découvrir, même le baiser que C. Powlet voulait me

  1. Letters of Jane Austen edited by Lord Brabourne.