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étrange, je n’y puis rien, ce n’est pas ma faute », écrit-elle nerveusement au sujet d’une dame qui voulait lui être présentée. On est étonné, lorsqu’on parcourt ses lettres, de n’y trouver presque aucune allusion à ses romans. À part quelques conseils à une jeune nièce qui essayait de suivre les traces de sa tante et quelques lignes de satisfaction enfantine à propos de la publication d’Orgueil et Préventions, elle n’y parle jamais littérature. Elle n’eut comme correspondants ni écrivains célèbres ni critiques compétents avec qui discuter ses ouvrages, et elle resta constamment à l’écart des milieux littéraires.

Martha Lloyd avait suivi ses amies à Chawton, et la vie des quatre femmes était toujours aussi intime. On lisait à haute voix, en petit comité, les romans de Jane et ceux de la jeune Anna Austen. On discutait minutieusement les moindres actions des personnages, faisant une chasse acharnée aux improbabilités, veillant avec soin à ce que chacun, suivant son rang, respectât rigoureusement les préséances. Cassandra trouvait les histoires de sa nièce Anna trop décousues, elle insistait toujours pour une liaison rigoureuse entre les faits et pour la suppression des incidents inutiles, tandis que Jane plus indulgente, acceptait volontiers des détails superflus, quand ils étaient bien observés et spirituels.

On continuait aussi à s’intéresser aux personnages des livres déjà parus. On se demandait ce qu’ils étaient devenus, s’ils étaient heureux en ménage, si les parents riches, déçus dans leurs espérances, avaient pardonné. C’étaient de vieux amis auxquels Jane restait obstinément fidèle, malgré les nouveaux venus ; et lorsque, de passage à Londres, elle visitait un musée, elle ne manquait pas d’avertir Cassandra qu’elle y avait reconnu parmi les portraits quelques types de ses anciennes héroïnes.

Malgré les nouveaux romans en préparation, malgré le travail de correction des épreuves, Jane trouve toujours le temps de s’occuper de l’intérieur. Elle donne