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Elle eut bientôt le plaisir de corriger les épreuves, et avec quelle fièvre ! « Non», écrit-elle à Cassandra qui s’inquiète, « mes occupations ne m’empêchent jamais de penser à Raison et Sensibilité ; je ne puis pas plus l’oublier qu’une mère ne peut oublier son nourrisson ».

Le livre parut en juin 1811. Le frontispice portait :


RAISON ET SENSIBILITÉ
roman en trois volumes, par une lady,
imprimé pour l’auteur,
et publié par t. egerton. Whitehall.


Sans être éclatant, le succès fut suffisant pour décider l’éditeur à publier Orgueil et Préventions et cette fois à ses propres risques. Bientôt il envoyait à Jane trois mille sept-cent-cinquante francs qu’avaient produits la vente du roman. Cela dépassait les plus brillantes espérances de Jane et elle trouva « que c’était une bien grosse somme pour si peu de peine » [1]. Elle fut même effrayée de la faveur du public. Elle craignait pour sa tranquillité et Cassandra dut écrire à tous les membres de la famille de ne révéler à personne le nom de la Lady, auteur de Raison et Sensibilité. Bien plus, sentiment incroyable chez un auteur, Jane se réjouit d’apprendre que son livre a été attribué à une certaine Miss Hamilton, célébrité éphémère de l’époque, qui peut-être protesta avec indignation.

Tout contribuait maintenant au bonheur de Mrs. Austen et de ses deux filles. Elles étaient près du reste de la famille, en contact avec les anciens amis ; les frères réussissaient dans leurs carrières ; les petits neveux et nièces grandissaient en bonne santé, donnaient déjà de brillantes espérances. On était surtout fier des deux marins qui marchaient rapidement vers le grade d’amiral, et c’était une satisfaction délicieuse pour les dames

  1. Letters of Jane Austen.