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Elle travaille dans un petit boudoir attenant à la chambre qu’elle partage avec Cassandra. C’est le domaine privé des deux sœurs. Pour tout mobilier quelques chaises, les ustensiles de dessin de Cassandra, le piano de Jane et son bureau, un tout petit bureau d’acajou, où l’on peut mettre rapidement sous clé les minuscules feuilles de papier qui constituent le manuscrit de Premières Impressions ; car, souvent les amies montent directement, sans se faire annoncer, et il faut que personne ne se doute que la fille de l’honorable Recteur écrit des romans ; cela est très mal vu dans la société de Basingstoke, et Jane tient énormément à la considération de son petit cercle.

Bientôt le secret de Jane devient celui de toute la maison ; et, à l’heure du thé, si aucun étranger ne s’introduit dans l’intimité familiale, on ne manque jamais de demander à Jane des nouvelles de Mrs. Bennet ou de Lady Catherine de Bourgh, comme s’il s’agissait de voisins en chair et en os. Tous les personnages des livres de la petite sœur sont maintenant de véritables connaissances pour la famille, qui se réjouit de leurs bonheurs et compatit à leurs souffrances. Gaiement, sans se faire prier, toute reconnaissante de ces marques d’attention pour ses héros, qui lui semblent exister réellement et à qui elle réserve une petite place dans son cœur, Jane donne les derniers renseignements sur les querelles d’Elisabeth et de Darcy, conte les récentes platitudes de Mr. Collins.

Elle a deux confidents plus intimes, sa sœur Cassandra qu’elle consulte sur les moindres choses et son frère James qui l’aide de ses conseils d’homme dégoût et d’érudition. Ainsi, dès le début, elle a l’heureuse fortune de se trouver dans un milieu sympathique, assez lettré pour s’intéresser à ses efforts et la critiquer avec discernement, dont les encouragements ont leur valeur, mais d’autorité littéraire insuffisante pour entraver le