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était toute patriarcale, et que Jane ne faisait pas la dégoûtée devant les réalités de la vie pratique.

C’est au milieu d’occupations si yariées qu’elle va trouver le temps d’écrire ses romans. Elle avait commencé dès l’âge de douze ans à composer des petits contes, puis des petites comédies, et elle les soumettait à la critique de ses frères quand elle était sûre qu’aucune grande personne ne pouvait la surprendre. C’était en général des parodies des pièces de théâtre ou des romans à la mode, et, d’après quelques spécimens qui nous sont parvenus, ces essais ne manquaient pas d’esprit. Plus tard, elle regretta d’avoir perdu à ces productions enfantines un temps qui aurait été mieux employé à une étude plus approfondie des classiques ; et, dans une lettre écrite en 1817, elle conseille à une jeune nièce, qui voulait marcher sur les traces de sa tante et lui soumettait ses premiers essais, de ne plus écrire avant d’avoir seize ans.

À partir de 1792, elle ébauche quelques romans épistolaires dans la forme de Sir Charles Grandison et d’Evelina. L’un d’eux, intitulé Elinor et Marianne, repris plus tard et complètement transformé, devint Raison et Sensibilité. Un autre, Lady Susan, a été publié dans le mémoire que Mr. Austen-Leigh a consacré à sa tante. On n’y trouve rien qui puisse faire présager les prestigieuses œuvres qui vont suivre. Ce n’est évidemment qu’un exercice de débutante, et Jane Austen aurait été navrée de le voir livré au public. Le sujet semble d’ailleurs un peu scabreux pour une toute jeune fille élevée dans un presbytère. L’héroïne est une femme d’une beauté et d’un esprit éclatants mais de conscience élastique qui conduit simultanément deux intrigues amoureuses, l’une avec un homme marié, l’autre en rivalité avec sa propre fille. Il est vrai qu’elle n’éprouve que des déboires, et qu’on peut ainsi considérer l’histoire comme très morale. On sent que Jane est à ce moment