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Dashwood, John Thorpe, Sir Walter Elliot et leurs pareils, ne constituait-il pas déjà un Livre des snobs presque complet ?

D’ailleurs, il n’existe point d’écrivains qui n’aient rien emprunté à leurs prédécesseurs immédiats, dont ils sont toujours étroitement solidaires. Dickens, Thackeray et leurs contemporains étaient bien les descendants de Richardson et de Fielding ; mais Jane Austen avait été l’éclaireur frayant au milieu de l’engouement général pour les fantastiques récits de Mrs. Radcliffe la route qui ramenait à des œuvres plus réalistes et plus artistes. Elle avait apporté quelque chose de nouveau, qui manquait un peu à ses aînés : de la simplicité dans les événements, plus de complexité et moins de raideur dans les caractères, plus de condensation et de finesse dans les développements. Sans rien leur ôter de leur solidité, elle avait transformé en délicates œuvres d’art les monuments pesants et sans grâce de Richardson. C’est pourquoi nous croyons pouvoir généraliser les quelques preuves d’influence que nous avons données, et nous joindre à Mr. Saintsbury pour appeler l’auteur de Mansfield Park et d’Emma : « la mère du roman anglais au xixe siècle » [1].

Il n’est pas nécessaire, pour justifier ce titre, d’étudier son action sur les écrivains postérieurs à la grande floraison victorienne. Les meilleurs de ses principes sont désormais absorbés, digérés par des écrivains illustres qui transmettent directement ses qualités à nos auteurs contemporains. On a plus de mal à distinguer dans les nouveaux livres ce qu’elle a inspiré de ce qui a été emprunté à d’autres talents, et son influence personnelle devient encore plus difficile à découvrir ; mais elle n’en persiste pas moins. Une parenté étroite rattache évidemment à Emma et à Mansfield Park quelques-uns des meilleurs romans anglais de ces dernières années.

  1. History of English literature.