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ewes la pensée se reporte immédiatement à George Eliot. On ne peut guère douter que le critique n’ait recommandé à sa grande amie l’étude approfondie des œuvres de Jane Austen, comme il l’avait recommandée à l’inconnue qu’était pour lui Charlotte Brontë. Nous voyons en effet dans les lettres de George Eliot que c’est G. H. Lewes qui l’a décidée à écrire des romans. Elle lui soumet son plan des Scènes de la vie ecclésiastique et se réjouit qu’il le trouve bon. Mais G. H. Lewes « a des doutes sur son habileté à développer un plan et à écrire un bon dialogue ». Peut-il indiquer un meilleur maître que Jane Austen, de meilleurs exemples qu’Orgueil et Préventions, Mansfield Park, Emma ? Ces chefs-d’œuvre sont si bien dans sa pensée, lorsqu’il guide les premières tentatives de G. Eliot dans la littérature de fiction, qu’il écrit à l’éditeur John Blackwood en lui proposant Scènes de la vie ecclésiastique : « Depuis le Vicaire de Wakefield et les œuvres de Miss Austen, nous n’avions pas de romans représentant le clergé comme toutes les autres classes [1] ». La simplicité, l’ironie, l’intérêt pour les petits incidents de la vie, la minutie dans la notation des sentiments de ses modestes héros, l’absence de dissertations philosophiques que nous trouvons dans les premiers romans de George Eliot, ainsi que sa peinture méticuleuse de la classe moyenne dans Middlemarch, ne s’éloignent pas beaucoup de la manière de Jane Austen. Il y a là certainement un peu de l’influence de l’auteur que Mr. G. H. Lewes aimait tant, et qu’elle-même appelait, presque dans les mêmes termes que son ami : « Le plus grand artiste qui ait jamais écrit, le maître le plus parfait dans l’art du développement ». Elle n’a d’ailleurs profité qu’imparfaitement des leçons de sa devancière et Tennyson a raison « de ne pas la croire aussi fidèle à la nature que Shakespeare et Miss Austen ».

  1. George Eliot’s life as related in lier letters.