Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

lorsqu’on étudie un auteur dont le talent consiste essentiellement en juste mesure, en simplicité, en tact. Car, quoiqu’on les trouve rarement dans les romans modernes, ces qualités devraient être tellement générales, tellement naturelles, que lorsque nous les rencontrons chez un écrivain, nous hésitons à les attribuer à l’imitation. Ce sont peut-être ces difficultés qui ont détourné les biographes de Jane Austen de l’étude de l’influence exercée par ses livres sur les romanciers du xixe siècle ; quelques critiques comparent bien ses personnages à ceux de George Eliot et de Charlotte Brontë, mais ils négligent, en général, de rechercher si ces écrivains se sont plus ou moins inspirés des œuvres de leur aînée.

Pour essayer de découvrir quelques indices de cette action il nous faut alors ou retrouver dans les mémoires et les correspondances l’aveu direct de l’influence subie, ou déduire de l’attrait particulier exercée par les œuvres de notre romancière sur des conseillers et des directeurs du mouvement littéraire le rôle qu’elles ont pu jouer dans l’évolution de la littérature de fiction. Au risque d’une certaine monotonie et de quelques répétitions, nous multiplierons les citations pour bien faire sentir en quelle atmosphère d’admiration passionnée pour Jane Austen, les jeunes auteurs anglais du xixe siècle pénétraient dès leurs premiers pas dans les milieux littéraires, et combien il leur était difficile d’échapper à l’attraction d’œuvres si hautement prônées par les maîtres de la critique dans les salons où s’établissaient les réputations.

Depuis leur apparition, les livres de Jane Austen n’ont cessé de captiver les esprits les plus délicats. Nons trouvons dans une lettre de Southey à Sir Egerton Brydges cette appréciation : « Vous parlez de Miss Austen. Ses romans sont plus fidèles à la nature et renferment, suivant mon goût, des études, des sentiments plus ravissants