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exquise, qui, par la vérité de la description et du sentiment, rend intéressant les choses et les caractères les plus ordinaires m’est refusée. »

Quand un écrivain de génie relit par trois fois au moins des romans qui diffèrent tellement de ses propres œuvres, et qu’il reconnaît y trouver ce qui lui manque le plus, la finesse psychologique, n’est-il pas permis de supposer que, si cette lecture répétée n’a pas laissé de traces positives dans ses ouvrages, elle l’a peut-être conduit à donner un peu moins de raideur aux caractères de quelques-uns de ses personnages. Ce n’est évidemment pas une certitude ; mais en cherchant à découvrir l’influence qu’a pu exercer Jane Austen, nous serons souvent obligés de recourir à de simples présomptions ; car nous nous trouvons toujours arrêtés par une difficulté qui tient à la fois aux circonstances défavorables de la publication de ses romans et au genre de son talent. Elle n’a pas eu de ces succès éclatants qui mettent le nom de l’auteur dans toutes les bouches, dans tous les livres. Au début du siècle on a peu écrit sur elle. Le petit groupe de ses premiers admirateurs discutait ses mérites dans l’intimité, et ne cherchait pas, en général, à répandre bruyamment la connaissance d’ouvrages qu’ils estimaient peut-être trop subtils pour la masse. Aucun livre ne nous renseigne sur l’appréciation de ses contemporains, et peu d’articles de revues nous dévoilent leurs tendances à délaisser l’imitation des Mystères d’Udolpho pour suivre la nouvelle voie que leur traçait Miss Austen.

Nous pourrions rechercher directement, dans les œuvres des différents romanciers du siècle dernier ce qu’ils ont emprunté à Jane Austen. Mais si ce travail est facile lorsqu’il s’agit d’un écrivain qui s’est distingué par des exagérations, par des extravagances de conception ou de style aisément reconnaissables chez ses successeurs, cela devient une tâche presque impossible