constance ; et, cela suffit amplement à l’équilibre de la balance.
— « Vos sentiments », dit Anne Elliot au capitaine Harville, « peuvent être plus vigoureux ; mais le même esprit d’analogie m’autorise à affirmer que les nôtres sont plus tendres. L’homme est plus robuste que la femme, mais il ne vit pas plus longtemps, et ceci explique exactement mon opinion sur la nature de leurs attachements. D’ailleurs, ce serait trop pénible pour vous s’il en était autrement. Vous avez à lutter contre assez de difficultés, de privations et de dangers. Travaillant et peinant sans cesse, vous êtes exposés à tous les risques et à tous les tourments. Votre foyer, votre patrie, vos amis, tout vous réclame à la fois. Vous ne disposez ni de votre temps, ni de votre santé, ni de votre vie. Ce serait vraiment trop dur » et la voix d’Anne trembla légèrement, « si la sensibilité d’une femme s’ajoutait à tout cela [1] ».
Et comme le capitaine Harville veut invoquer le témoignage des livres contre l’inconstance féminine, Anne proteste vivement : « Pardon, ne cherchons pas d’exemples dans les livres. Les hommes ont trop l’avantage, ils racontent eux-mêmes leur propre histoire. Ils sont tellement favorisés par la différence d’éducation ! Et la plume a toujours été dans leurs mains. » Et elle continue :
— « Nous ne pourrons jamais rien prouver sur ce sujet. Il y a là une différence d’opinion qui n’admet aucune preuve. Nous n’avons d’abord, probablement, qu’une petite inclination vers notre sexe ; puis chaque circonstance favorable qui se produit dans le cercle de notre existence vient renforcer cette inclination… À Dieu ne plaise que je rabaisse la chaleur et la fidélité des sentiments d’aucun de mes semblables. Non, je vous crois capable de tout ce qui est grand et bon dans vos vies mariées. Je vous crois à la hauteur des efforts les plus sérieux, de toutes les patiences
- ↑ Persuasion.