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Scott ou l’histoire de Bonaparte, quelque chose enfin formant contraste et ramenant le lecteur avec un plaisir renouvelé au style animé et persifleur de tout le roman. »

Dans les six romans nous retrouvons la même concision. Quelques lignes nous donnent brièvement les traits fondamentaux du caractère des personnages, et c’est leur conversation même qui, dans la suite, précise leur individualité. L’auteur évite ainsi deux ou trois fastidieuses pages de description qui n’évoqueraient qu’une figure froide et sans vie. Elle ne nous explique pas que Mr. Woodhouse est hypnotisé par le souci de l’hygiène et des régimes, elle le fait parler à ses invités :

— « Mrs Bates essayez un de ces œufs ; un œuf à la coque peu cuit n’est pas malsain. N’ayez pas peur, ils sont très petits ; un de ces petits œufs ne vous fera pas de mal. Miss Bates, permettez à Emma de vous servir un tout petit morceau de tarte ; ce sont des tartes aux pommes, ne craignez pas que ce soit indigeste. Mrs Goddard, que dites-vous d’un demi verre de vin, un petit demi verre, additionné de beaucoup d’eau. Je ne crois pas que cela puisse vous faire du mal [1]. »


Les réflexions que fait l’amiral Croft, les mains derrière le dos, l’air soucieux, devant la fenêtre d’un marchand de tableaux, nous donnent l’image la plus vivante d’un vieux loup de mer, de son allure, de son ton, de ses pensées habituelles. Il parle à une charmante jeune femme :

— « Vous voyez, je regarde les tableaux. Je ne peux jamais passer devant cette boutique là sans m’arrêter. Que dites-vous de ça comme bateau ? Regardez-moi cela ! Avez-vous jamais vu quelque chose de pareil ? Quels drôles de types que vos jolis peintres pour s’imaginer qu’il y a des gens assez imprudents pour risquer leur vie dans une

  1. Emma.