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éclate de rire. À chaque rebuffade de Mr. Palmer revient le refrain « il est si drôle » ! Tout est « drôle » pour elle, la gelée qui détruit ses arbres favoris, le renard qui dévaste son poulailler. Elle a le rire perpétuel et embarrassé, l’exclamation invariable qui remplace chez les gens à l’esprit borné la phrase récalcitrante. Le portrait est merveilleux de naturel et de vérité.

Les braves gens maniaques abondent dans l’œuvre de Jane Austen. Peut-on trouver un malade plus sympathique que Mr. Woodhouse, le père d’Emma, avec tous ses caprices de valétudinaire gâté, ses réflexions plaintives, ses amusantes petites tyrannies lorsqu’il veut obliger ses invités à se contenter comme lui d’un « plat de gruau bien cuit, léger mais pas trop », et que « le souci de leur propre santé le fait gémir sur tout ce qu’ils mangent ».

Il a une telle crainte des courants d’air qu’il ne peut approuver le portrait d’Harriet, et pourtant c’est l’œuvre de sa chère Emma. « C’est très joli », dit-il, « la seule chose que je n’aime pas beaucoup, c’est qu’elle est assise en plein air, avec un simple petit châle sur les épaules ; et cela vous fait craindre qu’elle ne prenne froid. »

— « Mais, cher papa », proteste Emma, « c’est en été, un jour chaud d’été, regarde l’arbre. »

— « Oui, mais ce n’est jamais sain de s’asseoir dehors, ma chérie. »

Les mariages l’horripilent, pour le trouble qu’ils mettent dans ses habitudes ; d’ailleurs, « tant qu’on n’a pas apporté de preuves contre eux, il ne veut jamais croire les gens assez peu intelligents pour songer à se marier ». Et, lorsqu’une jeune femme a fait cette suprême sottise, pendant de longs mois après la cérémonie, il persiste à l’appeler « cette pauvre demoiselle une telle ». Toutes ses petites manies sont si innocentes que son entourage les souffre avec une indulgenc