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de deux cent cinquante mille francs de dot ou à peu près, et il la gagne avec une délicieuse rapidité ». Le hasard lui donne ce qui convient à sa fatuité, une sorte de jeune Mrs. Bennet. Elle est déjà aussi prétentieuse, aussi commune, aussi irritante que la bonne grosse dame ; que sera-ce quand elle aura des filles à marier ! Son beau-frère est le propriétaire de Maple Grove, un grand domaine près de Bristol, et elle n’a que Maple Grove dans la bouche. « Cela ressemble beaucoup à Maple Grove », dit-elle à Emma qui lui fait les honneurs de sa maison. « La ressemblance est réellement frappante. Cette pièce a précisément les mêmes dimensions que le boudoir à Maple Grove » ; et elle fait appel au témoignage de son mari, « n’est-ce pas étonnement pareil ? Ne se croirait-on pas à Maple Grove ? » Le salon, le parc, les arbres, les fleurs, tout est comme à Maple Grove. « Naturellement, à Maple Grove, elle a été habituée à tous les raffinements du luxe », et élevée à la ville, elle compte bien donner le ton dans le petit village dont son mari est le pasteur. Elle s’agite, elle bavarde, elle s’introduit de force dans l’intimité des gens, prend des tons protecteurs, se fait le centre de tout. Et Mr. Elton est ravi d’avoir une femme qui sait tenir sa place.

Jane Austen est sans pitié pour les gens infatués de leur fortune, et dont la rigidité de mœurs, la correction de manières, ne servant qu’à cacher l’égoïsme et la bassesse de caractère ; elle les déshabille de la considération due à leurs rentes et à leurs domaines, pour nous les montrer tels qu’ils sont. Mr. Dashwood [1], par exemple, est millionnaire ; il agit toujours conformément aux lois, à la morale courante, aux usages de la bonne société ; il est respecté de tout son entourage, composé naturellement de gens comme lui, car il prend bien soin de ne pas souiller son honorabilité au contact de personnes

  1. Raison et Sensibilité.