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étroit auquel elles appartiennent toutes. Les unes et les autres sont nettement supérieures à leurs fiancés par l’esprit, par la volonté, par l’abnégation, ou par la malice et le calcul. Cependant, elles aussi, ne s’élèvent pas beaucoup au-dessus de la moyenne, elles n’ont rien de transcendant. C’est l’exactitude et la finesse de la peinture qui les rend attrayantes. Nous avons tous rencontré des Fanny Price, des Emma Woodhouse, et les Elisabeth Bennet ne sont pas introuvables.

On leur a reproché d’être si près de nous ; Charlotte Brontë n’aurait « pas aimé à vivre avec ses gentlemen et ses ladies dans leurs belles mais étroites maisons » [1] ; et Mme de Staël trouvait vulgaires les personnages d’Orgueil et Préventions. Le même reproche avait été adressé à Richardson, et la réponse de Dideret s’applique admirablement aux détracteurs de Jane Austen : « Ses personnages sont communs, dites-vous, c’est ce qu’on voit tous les jours ! Vous vous trompez ; c’est ce qui se passe tous les jours sous vos yeux et que vous ne voyez jamais » [2].

Nous rencontrons constamment des jeunes gens intelligents, sensibles, de bonne moralité, des jeunes filles bien élevées, instruites, aimantes et dévouées, sans percevoir en eux des héros ou des héroïnes de roman. Comme nous ne les connaissons pas suffisamment, et que nous ne les avons pas étudiés assez profondément, ils ne nous offrent aucun trait saillant, ils semblent se confondre dans leur entourage, s’effacer dans la médiocrité générale. Seul, notre manque d’attention nous fait paraître les phases de leur existence communes et sans intérêt. C’est ainsi que, pour le promeneur distrait, tous les scarabés sont de petites bêtes à reflets métalliques qui se traînent lentement le long des sentiers, tandis

  1. Letters et Charlotte Brontë.
  2. Éloge de Richardson.