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soient les moyens à employer, dans un monde que lui interdisent sa pauvreté et son manque d’éducation. C’est une manœuvrière de premier ordre et sans scrupules ; déloyale, elle sait admirablement profiter de la loyauté d’Elinor pour l’écarter de son chemin, en lui confessant comme à une amie ses fiançailles secrètes avec Edward Ferrars ; et, tandis que, sans amour, elle enchaîne celui-ci par le respect de la parole donnée, elle manque sans vergogne à tous ses engagements, pour enlever le jeune frère devenu le plus riche des deux. Elle a par deux fois fait rompre la brillante union que l’orgueilleuse Mrs. Ferrars avait ménagé à ses fils, et malgré cela elle va devenir la favorite de la vieille dame. « Une humilité persévérante dans sa conduite et dans ses lettres, où elle s’accuse continuellement d’être seule coupable de la faute de Robert, une reconnaissance opiniâtre pour les affronts qu’elle reçoit, finissent par lui attirer une hautaine considération ; l’accablement qu’elle montre devant une telle générosité lui gagne rapidement une affection enthousiaste et une influence prépondérante ». L’intrigante l’emporte sur toute la ligne ; nous pouvons lui ménager notre sympathie, mais pas notre admiration pour son habileté.

Entre les héroïnes du dévouement, de la raison, de l’amour et celles du plaisir et du calcul, se placent les ingénues sans volonté, mais d’une naïveté charmante. Hariett Smith [1] et Catherine Morland [2] sont deux enfants étourdies, qui causeront peut-être bien des déceptions à leur mari dans la direction de leur ménage, mais qui, au moins pendant un certain temps, animeront leur maison d’un éclat de juvénile gaîté.

Le caractère des héroïnes de Jane Austen, est donc assez varié, très varié même, si on considère le milieu

  1. Emma.
  2. L’Abbaye de Northanger.