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aux remontrances de son ami, il se sauve loin de la pauvre Jane qu’il aime et dont il est aimé, un léger mépris vient troubler notre sympathie. Il n’y a pas là une faute de l’auteur, il est ce qu’elle a voulu qu’il soit, un de ceux dont on dit « c’est un bon garçon », et qui souvent par leur faiblesse font verser plus de larmes que les méchants.

Edmond Bertram [1], Henry Tilney [2], Edward Ferrars [3], tous trois pasteurs, ont en commun un physique agréable, des manières douces et posées, une conduite exemplaire ; ils sont le type idéal du charmant jeune homme que les mères rêvent pour gendre ; ils ont la ressemblance que donne une même profession exercée dans un même milieu. Et cependant chacun a sa personnalité bien accusée. Edmond Bertram est le plus sérieux ; sa bonté est plus réfléchie, et son caractère plus ferme nous fait croire que, dans quelques années, son autorité sera grande parmi ses paroissiens. Par contre, sa sensibilité n’est pas très aiguisée ; il vit des années à côté de sa cousine Fanny Price, il fait d’elle la confidente de son inclination pour une autre, sans jamais s’apercevoir que la pauvre enfant l’adore et qu’il la torture. Il manque un peu de perspicacité, et ne sait distinguer ce qu’il y a d’intéressé dans les démonstrations affectueuses de Mary Crawford.

Edward Ferrars a gardé d’une éducation par une mère trop autoritaire une indécision qui le laisse tout désorienté dans les crises de l’existence. Il hésite toujours, il n’avance que pour reculer, ne recule que pour avancer ; si bien que ses actes restent longtemps incompréhensibles à ses amis et à la jeune fille qu’il aime. Pris dans les filets d’une intrigante, esclave de

  1. Mansfield Park.
  2. L’Abbaye de Northanger.
  3. Raison et Sensibilité.