Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée

entouré, parfaitement entretenu, avec de jolies bordures et des fleurs délicates, mais dépourvu de tout ce qui est brillant et vivant, sans larges perspectives, sans air frais, sans colline bleue, sans joyeux petit ruisseau » [1].

Mais ce n’est là qu’une affaire de goût et de préférence personnels. Le lecteur peut aimer à sentir tous ses nerfs secoués par la peinture des passions à leur paroxysme, par des effets de terreur habilement ménagés, ou il peut aimer le tranquille plaisir de retrouver dans le livre les petits incidents qui l’ont amusé dans la vie réelle et ont détendu quelques instants son esprit surmené par la lutte pour l’existence. De même qu’il y a des admirateurs des fougueuses peintures de Delacroix et des fervents des paisibles intérieurs de Chardin, de même il peut y avoir des enthousiastes de Jane Eyre et des fanatiques d’Emma. Mais si l’on cherche dans un roman une représentation exacte de la vie ordinaire, une exposition claire du jeu des sentiments, une analyse rigoureuse des motifs de nos actions de tous les jours, il est impossible de les trouver mieux développés que dans Orgueil et Préventions, Mansfîeld Park, Emma et Persuasion. C’est avec un sourire amusé que nous regardons s’agiter leur petit monde vivant et comique, toute cette étroite société fictive qui vient animer le long enchaînement des faits et dont la peinture piquante et déliée ajoute un plaisir d’art à l’étude psychologique. Quelques-uns de ses personnages méritent de retenir notre attention, et nous allons les regarder d’un peu plus près.




  1. Letters of Charlotte Brontë.