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d’Anne. Wentworth arrive bientôt à Bath, se retrouve avec Anne au théâtre durant un entr’acte. Son attitude envers elle est toute changée ; il est plein de sympathie, d’attention, de désir de plaire. Anne ne peut s’y tromper : la colère, le ressentiment, l’hostilité n’existent plus ; ce n’est pas seulement l’amitié et l’estime qui les remplacent, mais aussi la tendresse d’autrefois.

Malheureusement, Mr. William Elliot vient interrompre leur entretien par ses galanteries, et, lorsque Anne revoit le capitaine Wentworth, il n’est plus le même ; il a repris son air indifférent et froid. Anne s’étonne, puis comprend que les familiarités de William Elliot ont excité sa jalousie, fait naître des soupçons et déterminé ce changement. Ce n’est qu’une épreuve passagère, un léger retard à la réconciliation définitive. Bientôt ils reviennent à leurs anciens sentiments, plus exquisement heureux peut-être, dans leur union refaite, que dans l’enthousiasme du début, plus tendres l’un vers l’autre, avec plus de solidarité dans leur affection, plus rapprochés pour la lutte de la vie, plus sûrs de leur voie.

Toute l’évolution des sentiments d’Anne Elliot, depuis le découragement absolu jusqu’à la félicité de l’amour reconquis, est nuancée avec un art merveilleux. Ce n’est que petit à petit, pas à pas, qu’elle regagne son influence sur le capitaine Wentworth, en une série de menus drames où la pitié, l’influence des jugements étrangers, l’estime, la sympathie et enfin la jalousie, jouent leur rôle. Le manque de sensibilité qu’on peut, à la rigueur, reprocher aux précédents romans de Jane Austen s’évanouit pour faire place à une exquise notation de tous les émois d’un amour éteint qui renaît. C’est la dernière étape du talent de Jane Austen.

« Une chambre de malade peut fournir la matière de nombreux volumes, avec tous ses exemples de dévouement ardent et désintéressé, d’héroïsme, de force d’âme, de patience, de résignation », fait-elle dire à