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à la jolie petite bâtarde sans fortune, voilà une entreprise digne de Miss Woodhouse ! Et elle oblige Harriet à rompre, bien à contre cœur, avec la famille Martin. Elle ménage entrevues sur entrevues entre Mr. Elton et Harriet, et elle n’a aucune peine à rendre son amie amoureuse du joli garçon.

Mr. Elton semble se laisser entraîner dans la voie que lui trace la plus notable de ses paroissiennes. Il se rend avec empressement aux invitations, rédige des charades galantes, entreprend un voyage à Londres pour faire encadrer un portrait d’Harriet dessiné par Emma. Tout semble aller pour le mieux, Harriet rayonne, et Emma lance des regards triomphants à Mr. Knightley qui a osé critiquer son projet. Puis un soir, au retour d’un bal, seul avec Emma dans un carrosse, le beau pasteur, enhardi par de nombreuses libations, lui fait une déclaration d’amour. Invité à rester fidèle à Harriet, il paraît surpris et proteste énergiquement contre une telle insinuation. Emma s’étonne. Mais les charades ? Elles étaient destinées à Miss Woodhouse. Mais l’enthousiasme pour le portrait d’Harriet ? Il visait l’artiste et non le modèle. Mr. Elton est un jeune homme fort pratique, il n’a jamais songé qu’à la riche héritière, pas un seul moment à sa protégée ; et il est fort offensé qu’on ait pu penser le contraire. De son côté, Emma Woodhouse n’est pas moins choquée que ce petit pasteur de village ait osé espérer sa main. La rupture est complète.

Il faut maintenant consoler Harriet en la lançant sur une autre piste. Mais on ne trouve pas du jour au lendemain un jeune homme capable de faire oublier Mr. Elton. En attendant que l’oiseau rare se présente, Emma s’intéresse vivement à Mr. Frank Churchill, le fils que Mr. Weston a eu de sa première femme. Le jeune homme a été adopté dès son enfance, par Mr. et Mrs. Churchill, des oncle et tante fort riches. Ceux-ci l’ont toujours gardé près d’eux, et c’est la première fois qu’il vient à Highbury. Il