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J’avoue que je mets l’esprit particulier à chaque peuple au-dessus de tout, même au-dessus de ses progrès humanitaires et industriels ; aussi ne suis-je pas du nombre de ces touristes positifs, ou, si l’on veut, de ces voyageurs de commerce qui ne s’occupent jamais des villes de l’Amérique espagnole du Sud qu’au point de vue des affaires, et à qui ces villes ont semblé identiques, parce qu’on y parlait la même langue et qu’elles avaient toutes la même origine.

Un peu de réflexion a manqué à ces gens si graves pour saisir les différences et pour voir combien les divers rameaux de l’arbre primitif, transportés au delà des mers, ont emprunté un caractère distinct aux localités, au climat, à l’ancienne civilisation des tribus indiennes, qu’ils allaient absorber.

Que de traits rares oubliés ou dédaignés ! que de riches couleurs dans le paysage moral laissées à l’ombre ! que de nuances variées d’un lieu à l’autre !

Loin de moi la pensée de nier absolument la valeur et l’utilité des œuvres auxquelles je fais ici allusion ! Elles ont un point de vue ; nous avons le nôtre : voilà tout.

Qu’on ne cherche donc pas dans ce livre des renseignements dans le goût ordinaire des économistes. Bien que je n’aie pas négligé d’indiquer à l’occasion les sources de la fortune publique et les éléments généraux de prospérité que récèlent les pays dont je me suis occupé, c’est surtout au curieux, à l’artiste, que je m’adresse ; c’est à celui qui aime, en feuilletant des souvenirs de voyages, à vivre quelques instants de la vie véritable et secrète du peuple chez lequel il suit l’auteur, et qui veut de sa lecture con-