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tures étrangères est le plus vivement accusée, nous citerons M. Irizare et M. San-Fuentes. L’un a beaucoup lu nos poëtes contemporains, l’autre a étudié avec fruit lord Byron. M. Irizare, qui, dans ses propres compositions, ne manque ni de brio ni d’élégance, est plus heureux encore lorsqu’il traduit ses modèles bien-aimés. Ainsi, une des plus charmantes orientales de M. Victor Hugo, Sara la baigneuse, n’a perdu presque rien de sa gracieuse allure dans les vers cadencés de M. Irizare[1]. Dans sa légende des Clochers, M. San-Fuentes peint les mœurs du dernier siècle en s’inspirant tour à tour de Byron et de son froid imitateur espagnol Mora. Voici le portrait d’un gentilhomme chilien du dix-huitième siècle tracé avec une concision piquante par M. San-Fuentes :

« … Comme il n’avait jamais rien à faire, ce grand seigneur dormait jusqu’à huit heures ; on lui disait la messe dans son oratoire, puis il prenait son chocolat. À midi, le dîner était servi, après venait la sieste, plus tard le mathé ; pour se distraire, il allait ensuite faire un tour en calèche ; à onze heures, notre marquis ronflait[2].

  1. Nous citerons la première strophe, pour montrer avec quel bonheur le mouvement et la coupe de la strophe française ont été conservés par le traducteur :

    La bella Sara indolente
        Muellemente
    Se comienza a columpiar :
    A sus piés el récipiente
        De una fuente
    La mas pura del lugar.

  2. Como ningun que hacer le daba prisa,
    Dormia hasta las ocho este magnate ;
    En su oratorio le decian misa
    Y tomaba despues su chocolate.
    La comida à las doce era precisa
    Y la siesta despues, y luego el mate ;