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(l’Épouse et la Lettre), correspond aux essais du même genre qui parurent en France au milieu de l’effervescence poétique d’avant 1830, et où l’élément classique ne s’effaçait encore qu’à regret devant les exagérations du romantisme. Le sujet de la légende, c’est la lutte de l’amour et du devoir dans le cœur d’une femme mariée. On jugera de la couleur générale du poëme par ce passage où l’auteur sonne le glas de la vertu expirante :

« Mais tu cèdes, mon Dieu ! un oui terrible échappe à tes lèvres pâles et tremblantes. Comme une rose que l’ouragan agite pendant une nuit tourmentée, tu tournes autour de toi ta tête en délire, et tu sembles chercher une protection inutile. Tes prunelles enflammées s’éteignent et ne jettent plus que des regards d’épouvante. Telle la lumière sinistre de l’éclair effraye, terrifie et présage mille maux à la terre[1]. »

Il y a chez l’auteur de la Novia des qualités et des défauts qu’on trouve rarement unis. Sa légende rencontre quelquefois la grâce et la naïveté, quelquefois aussi elle tombe dans les effets vulgaires ; c’est un récit commencé comme un poëme et qui finit comme un mélodrame.

Parmi les poëtes chiliens chez qui l’influence des littéra-

  1. Mas tu cedes, ai Dios ! y un si terrible
        Se escapa de tu labio ;
    Descolorida y trémula cual rosa,
        Que en tarde borascosa
    Ajita el uracan, la faz turbada
    Tornas en derredor, cual si buscases
    Inutil protection ; las rutilantes
    Pupilas apagadas se extravian
    Y miradas de espanto solo envian,
    Como la lux siniestra del relampago
    Que amedrenta y aterra
    Presajiando mil males a la tierra.

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