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triotes à Cancharayadas ; mais, vingt jours après, la victoire éclatante de Maypo efface le souvenir de cet échec. Cette fois décidément expire le pouvoir de l’Espagne au Chili. On le voit, rien de plus rapide, de moins compliqué que les guerres de la métropole et de sa colonie. Quelques rencontres amènent ces drames militaires tout près du dénôument. Il n’y a point de place au Chili pour les luttes prolongées, si favorables aux intrigues des chefs d’armée, et l’intervention des généraux dans les affaires du pays, au lieu d’aboutir, comme en d’autres États, à une dictature, a favorisé au contraire le développement régulier des institutions républicaines.

Comme dans toutes les jeunes républiques méridionales, le pouvoir fut, durant les premières années de l’émancipation, entre les mains des soldats heureux. San-Martin, O. Higgins et Freire passèrent tour à tour à la présidence. Les tendances libérales du pays ne se manifestaient encore que par une sourde agitation. Le général Pinto devint président de la république ; il avait voyagé en Europe, et devait à son esprit distingué, à ses connaissances étendues bien plus qu’à ses faits d’armes, la haute considération dont il jouissait. La première période de son gouvernement présidentiel s’écoula sans trop de peine. Il fut réélu, mais sa réélection manqua de certaines formes. Les mécontents s’agitèrent. Bientôt les partisans d’une liberté pour laquelle le pays n’était point encore assez mûr circonvinrent le général Pinto. Il mit au jour, en 1828, une constitution ultra libérale, et osa toucher aux biens de l’Église. Un fort parti d’opposants s’organisa, et la révolution de 1829 éclata à Conception, Le Chili fut alors divisé en deux camps ; l’un représentait les idées ultra-libérales, l’autre les idées réactionnaires. Ce dernier parti, qui avait pour chef le général Prieto, comptait dans ses rangs un citoyen qui devait bientôt jouer un rôle glorieux dans l’histoire du Chili : c’était Portalès.