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une carte, on voit de prime-abord que, sur toute la frontière orientale du Chili, la gigantesque Cordillère des Andes forme un rempart naturel qui semble interdire aux voisins de la république les tentatives de conquête, et aux Chiliens eux-mêmes les projets d’agrandissement. La limite occidentale est marquée par l’océan Pacifique. Au nord, le Chili, resserré entre la mer et la chaîne des Andes, pousse jusqu’à la Bolivie l’extrémité de son territoire, amincie comme la pointe d’un glaive dont les provinces du centre seraient la lame et dont celles du sud seraient la poignée. À ce glaive, l’île de Chiloë pourrait se rattacher comme un pommeau dessoudé. Dans un pays ainsi pressé partout entre la mer et les montagnes, les principes de la stratégie régulière peuvent difficilement être appliqués ; les temporisations, les retraites, deviennent presque impossibles. Une révolution ne saurait donc s’y prolonger, car aussitôt que deux partis opposés sont en campagne, ils se rencontrent nécessairement, et le manque de places fortes empêche qu’un parti vaincu puisse reprendre haleine et se reconstituer. Une bataille est presque toujours décisive au Chili.

L’histoire même des années les plus agitées qu’ait traversées la république confirme ce que nous disons du peu de chances qu’a la guerre civile de s’y établir en permanence, comme sur d’autres points de l’Amérique du Sud. En suivant les principaux événements qui ont marqué les annales du Chili depuis 1814, on voit une première tentative d’insurrection échouer dans une rencontre décisive à Rancagua, le 1er octobre 1814. Deux ans plus tard, en 1817, il suffit de deux batailles pour amener l’indépendance du pays. San-Martin bat les Espagnols une première fois à Chacabuco, le 12 février 1817. Ceux-ci n’avaient pas concentré toutes leurs forces sur un seul point : un corps de réserve, grossi de quelques fuyards et de troupes fraîches venues du Pérou, bat les pa-