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une vie facile et par le climat, les familles déshéritées n’épousèrent jamais le besoin de s’élever par un labeur opiniâtre ; et, pour satisfaire aux aspirations de luxe qu’elles puisaient dans l’oisiveté et au contact des riches, elles trouvèrent plus commode de se faire les instruments de leurs passions.

Cette partie de la population des nouvelles colonies se grossit incessamment de ceux qui perdaient leur fortune dans les mines ou au jeu, et elle finit par constituer un assemblage où régnaient à la fois le libertinage, le bon ton et, par-dessus tout, l’amour du plaisir.

Il est donc bien entendu que c’est l’assemblage dont je parle et qui forme la masse, que j’ai surtout eu pour objet dans mes observations.

Depuis l’époque où ces pages ont été écrites, la découverte des mines californiennes a imprimé au mouvement commercial de l’Amérique du Sud, du Chili surtout, une activité extraordinaire. Valparaiso s’est transformé ; il est devenu un grand entrepôt qui bénéficie à la fois des envois européens et des retours californiens. Des fortunes immenses s’y sont réalisées, et cette ville s’est engagée de plus en plus dans la voie qui tend à l’assimiler à une cité d’Angleterre, en faisant participer la masse de la population aux richesses acquises, mais aussi en faisant disparaître un à un les derniers vestiges du caractère national déjà difficile à saisir pendant notre séjour au Chili.

Lima, ballottée aux mains des prétendants, a goûté quelques moments de calme sous la présidence du général Castilla, mais elle n’a ressenti que d’une façon très-secondaire les bienfaits matériels qui ont comblé sa voisine du