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séduisant, qui est comme une grâce du soleil péruvien.

Mais ce n’est point dans cette région que l’humeur originale et les goûts véritables d’un peuple se montrent le mieux. Il faut les aller chercher dans le milieu spécial à chacun, dans celui qui personnifie le mieux les tendances et les instincts du grand nombre : en France, chez l’artiste et le soldat ; en Angleterre, dans la famille laborieuse, pour laquelle, time is money, le temps est de l’argent ; en Espagne, chez l’hidalgo qui à connu l’opulence, et qui ; déchu, se drape avec résignation dans une indolente dignité ; partout, en général, dans la classe moyenne.

À Lima et dans quelques villes de l’Amérique espagnole, cette classe moyenne n’est pas, comme dans nos climats, celle de la bourgeoisie vivant d’une fortune acquise peu à peu par le travail. C’est un ensemble composite qui ne se trouve que là.

Ces villes, fondées par une poignée de blancs au milieu de tribus indiennes populeuses, n’ont point connu ces catégories si nettement tranchées dans les nations européennes : l’aristocratie, le tiers et le peuple. Nées de la fièvre des richesses, elles commencent à peine à comprendre la vie industrielle. Sans arts manuels, ou à peu près, elles ne connaissaient, il y a peu de temps encore, que l’échange des métaux contre les produits du luxe européen. Cet échange, privilége de quelques rares familles fortunées, ne faisait que difficilement descendre le superflu dans le reste de là population. Point de travail, partant point de fortunes acquises par des efforts soutenus et consciencieux. Richesse et misère, tels étaient les deux pôles de ces sociétés naissantes ! Portées à la nonchalance par