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myriades d’étoiles qui pailletaient le ciel ; la petite église, centre du mouvement de la matinée, dormait dans les ténèbres du feuillage ; une conversation de paysans attardés et ivres, sortait éructante et nasillarde de l’intérieur d’un bouchon, et deux femmes assises sur le pas d’une porte chantaient avec un sentiment musical assez négatif une ronde populaire :


Me ne zin quet d’ober ar lez,
Rac ne meus quet boutou nevez[1].

Familier à notre enfance, mais oublié depuis de longues années, ce refrain se reprit à tourbillonner dans notre mémoire avec une telle opiniâtreté, que, répété, fredonné, sifflé tour à tour et sans trêve par chacun de nous durant le reste du chemin, il nous devint, la chose est naturelle, très particulièrement odieux.

..... C’était la veille de la Saint-Jean, et l’heure où la campagne du Finistère, pour se préparer à cette solennité, allume des feux de joie en commémoration du bûcher dressé pour le martyre du saint, et renversé par un miracle[2]. De loin en loin déjà nous avions aperçu vaguement des lueurs rougeâtres à travers les arbres ; mais, quand nous atteignîmes un point de la route d’où la vue embrasse la vallée d’Elorn, une douzaine de feux se mon-

  1. Je n’irai pas faire la cour, — parce que je n’ai pas de souliers neufs.
  2. Voir, pour de plus amples détails, le Voyage dans le Finistère, par M. É. Souvestre.