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soirs, et l’ornementation de ces chapelles éphémères a, bien longtemps à l’avance, préoccupé les sociétés de dévotes, qui, animées d’un zèle saintement jaloux, chacune pour l’honneur de son quartier, cherchent à l’emporter en élégance sur les chapelles des quartiers voisins.

Voici l’heure de la procession. Des draperies blanches, rehaussées de bouquets, voilent la façade des maisons ; le pavé disparaît sous une litière de roseaux, dont on éparpille les gerbes venues des campagnes environnantes ; sur ce tapis de verdure, les fleurs, semées à pleines mains, tracent une route émaillée. — Les joyeuses volées des carillons planent sur la ville, les hymnes sacrées s’élèvent confusément au loin, mêlées aux accords d’une musique mélodieuse, tandis que le tambour des postes militaires bat aux champs. — Bientôt les croix de vermeil et d’argent, les bannières clinquantées et frangées d’or, s’avancent dominant la multitude empressée ; puis viennent les chantres et le clergé, étalant au grand soleil dalmatiques et chasubles, toutes les étoffes lamées, fleuries, pailletées, étoilées de cannetille et de filigrane du vestiaire ecclésiastique ; puis enfin s’avance un groupe nombreux de thuriféraires, lançant avec un irréprochable ensemble leurs encensoirs, dont la bouche en feu souffle des bouffées odorantes au front du dais aux blancs panaches. — Mais ce qui nous semble distinguer surtout les processions bretonnes, c’est la radieuse et turbulente phalange des chérubins ; environ cinquante enfants de trois à cinq ans, attifés avec amour par leur mère. Tous portent une perruque blonde et bouclée couronnée de roses ; tous sont vêtus de blanc ; corsage de satin criblé de paillettes et