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Maintenant, nous pleurons ensemble ; c’est la faute du bonheur. Marthe me reproche de n’avoir pas empêché son mariage. « Mais alors, serais-je dans ce lit choisi par moi ? Elle vivrait chez ses parents ; nous ne pourrions nous voir. Elle n’aurait jamais appartenu à Jacques, mais elle ne m’appartiendrait pas. Sans lui, et ne pouvant comparer, peut-être regretterait-elle encore, espérant mieux. Je ne hais pas Jacques. Je hais la certitude de tout devoir à cet homme que nous trompons. Mais j’aime trop Marthe pour trouver notre bonheur criminel. »

Nous pleurons ensemble de n’être que des enfants, disposant de peu. Enlever Marthe ! Comme elle n’appartient à personne, qu’à moi, ce serait me l’enlever, puisqu’on nous séparerait. Déjà nous envisageons la fin de la guerre, qui sera celle de notre amour. Nous le savons, Marthe a beau me jurer qu’elle