Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Marthe appartînt à son mari plus qu’elle ne voulait le prétendre.

Comme il m’est impossible de comprendre ce que je goûte la première fois, je devais connaître ces jouissances de l’amour chaque jour davantage.

En attendant, le faux plaisir m’apportait une vraie douleur d’homme : la jalousie.

J’en voulais à Marthe, parce que je comprenais, à son visage reconnaissant, tout ce que valent les liens de la chair. Je maudissais l’homme qui avait avant moi éveillé son corps. Je considérai ma sottise d’avoir vu en Marthe une vierge. À toute autre époque, souhaiter la mort de son mari, c’eût été chimère enfantine, mais ce vœu devenait presque aussi criminel que si j’eusse tué. Je devais à la guerre mon bonheur naissant ; j’en attendais l’apothéose. J’espérais qu’elle servirait ma haine comme un anonyme commet le crime à notre place.