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Nous étions alors au début de mars. Le printemps était précoce. Les jours où elle ne m’accompagnait pas à Paris, Marthe, nue sous un peignoir, attendait que je revinsse de mes cours de dessin, étendue devant la cheminée où brûlait toujours l’olivier de ses beaux-parents. Elle leur avait demandé de renouveler sa provision. Je ne sais quelle timidité, si ce n’est celle que l’on éprouve en face de ce qu’on n’a jamais fait, me retenait. Je pensais à Daphnis. Ici c’est Chloé qui avait reçu quelques leçons, et Daphnis n’osait lui demander de les lui apprendre. Au fait, ne considérais-je pas Marthe plutôt comme une vierge, livrée, la première quinzaine de ses noces, à un inconnu et plusieurs fois prise par lui de force.

Le soir, seul dans mon lit, j’appelais Marthe, m’en voulant, moi qui me croyais un homme, de ne l’être pas assez pour finir d’en faire ma maîtresse. Chaque jour, allant chez elle, je me promet-