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avant son mariage. Elle ne se serait pas mariée, prétendait-elle ; car, si elle avait éprouvé pour Jacques une sorte d’amour au début de leurs fiançailles, celles-ci trop longues, par la faute de la guerre, avaient peu à peu effacé l’amour de son cœur. Elle n’aimait déjà plus Jacques quand elle l’épousa. Elle espérait que ces quinze jours de permission accordés à Jacques transformeraient peut-être ses sentiments.

Il fut malhabile. Celui qui aime agace toujours celui qui n’aime pas. Et Jacques l’aimait toujours davantage. Ses lettres étaient de quelqu’un qui souffre, mais plaçant trop haut sa Marthe pour la croire capable de trahison. Aussi n’accusait-il que lui, la suppliant seulement de lui expliquer quel mal il avait pu lui faire : « Je me trouve si grossier à côté de toi, je sens que chacune de mes paroles te blesse. » Marthe lui répondait seulement qu’il se trompait, qu’elle ne lui reprochait rien.