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même pas à la prier de me montrer sa chambre, encore moins à lui demander comment Jacques trouvait nos meubles. Je ne souhaitais rien d’autre que ces fiançailles éternelles, nos corps étendus près de la cheminée, se touchant l’un l’autre, et moi, n’osant pas bouger, de peur qu’un seul de mes gestes suffît à chasser le bonheur.

Mais Marthe, qui goûtait ce même charme, croyait le goûter seule. Dans ma paresse heureuse, elle lut de l’indifférence. Pensant que je ne l’aimais pas, elle s’imagina que je me lasserais vite de ce salon silencieux, si elle ne faisait rien pour m’attacher à elle.

Nous nous taisions. J’y voyais une preuve du bonheur.

Je me sentais tellement près de Marthe, avec la certitude que nous pensions en même temps aux mêmes choses, que lui parler m’eût semblé absurde, comme de parler haut quand on est seul. Ce silence accablait la pauvre