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belle amitié le remplacerait. Cette longue perspective d’amitié me fit admettre soudain combien un autre sentiment eût été criminel, lésant un homme qui l’aimait, à qui elle devait appartenir, et qui ne pouvait la voir.

Pourtant, autre chose m’aurait dû renseigner sur mes véritables sentiments. Il y a quelques mois, quand je rencontrais Marthe, mon prétendu amour ne m’empêchait pas de la juger, de trouver laides la plupart des choses qu’elle trouvait belles, la plupart des choses qu’elle disait, enfantines. Aujourd’hui, si je ne pensais pas comme elle, je me donnais tort. Après la grossièreté de mes premiers désirs, c’était la douceur d’un sentiment plus profond qui me trompait. Je ne me sentais plus capable de rien entreprendre de ce que je m’étais promis. Je commençais à respecter Marthe, parce que je commençais à l’aimer.

Je revins tous les soirs ; je ne pensai