Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dit de me rendre dans la chambre où mon père s’était étendu.

Des éclats de voix, des menaces, m’eussent permis la révolte. Ce fut pire. Mon père se taisait ; ensuite, sans aucune colère, avec une voix même plus douce que de coutume, il me dit :

— Eh bien que comptes-tu faire maintenant ?

Les larmes qui ne pouvaient s’enfuir par mes yeux, comme un essaim d’abeilles, bourdonnaient dans ma tête. À une volonté, j’eusse pu opposer la mienne, même impuissante. Mais devant une telle douceur, je ne pensais qu’à me soumettre.

— Ce que tu m’ordonneras de faire.

— Non, ne mens pas encore. Je t’ai toujours laissé agir comme tu voulais ; continue. Sans doute auras-tu à cœur de m’en faire repentir.

Dans l’extrême jeunesse, l’on est trop enclin, comme les femmes, à croire