Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lettre du censeur, lettre trop grave à subtiliser.

Nous étions un mercredi. Le lendemain, jour de congé, j’attendis que mon père fût à Paris pour prévenir ma mère. La perspective de quatre jours de trouble dans son ménage l’alarma plus que la nouvelle. Puis je partis au bord de la Marne, où Marthe m’avait dit qu’elle me rejoindrait peut-être. Elle n’y était pas. Ce fut une chance. Mon amour puisant dans cette rencontre une mauvaise énergie, j’aurais pu, ensuite, lutter contre mon père ; tandis que l’orage éclatant après une journée de vide, de tristesse, je rentrai le front bas, comme il convenait. Je revins chez nous un peu après l’heure où je savais que mon père avait coutume d’y être. Il « savait » donc. Je me promenai dans le jardin, attendant que mon père me fît venir. Mes sœurs jouaient en silence. Elles devinaient quelque chose. Un de mes frères, assez excité par l’orage, me