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cher sur son cou, et de l’embrasser.

Profondément en moi, un autre garçon se félicitait de ces trouble-fête. Celui-ci pensait :

— Quelle chance que je ne me trouve pas seul avec elle ! Car je n’oserais pas davantage l’embrasser, et n’aurais aucune excuse.

Ainsi triche le timide.


Nous reprenions le train à la gare de Sucy. Ayant une bonne demi-heure à l’attendre, nous nous assîmes à la terrasse d’un café. Je dus subir les compliments de Mme Grangier. Ils m’humiliaient. Ils rappelaient à sa fille que je n’étais encore qu’un lycéen, qui passerait son baccalauréat dans un an. Marthe voulut boire de la grenadine ; j’en commandai aussi. Le matin encore, je me serais cru déshonoré en buvant de la grenadine. Mon père n’y comprenait rien. Il me laissait toujours servir