Page:Radiguet - Le Diable au corps, Grasset, 1923.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fils fût celui de Jacques. Je la suppliais de m’aimer quand même.

L’homme très jeune est un animal rebelle à la douleur. Déjà j’arrangeais autrement ma chance. J’acceptais presque cet enfant de l’autre. Mais avant même que j’eusse fini ma lettre, j’en reçus une de Marthe, débordante de joie. – Ce fils était le nôtre, né deux mois avant terme. Il fallait le mettre en couveuse. « J’ai failli mourir », disait-elle. Cette phrase m’amusa comme un enfantillage.

Car je n’avais place que pour la joie. J’eusse voulu faire part de cette naissance au monde entier, dire à mes frères qu’eux aussi étaient oncles. Avec joie, je me méprisais : comment avoir pu douter de Marthe ? Ces remords, mêlés à mon bonheur, me la faisaient aimer plus fort que jamais, mon fils aussi. Dans mon incohérence, je bénissais la méprise. Somme toute, j’étais content d’avoir fait connaissance, pour quelques