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On le voit, je me trouvais dans un désordre incroyable, et comme jeté à l’eau, en pleine nuit, sans savoir nager. Je ne comprenais plus rien. Une chose surtout que je ne comprenais pas, c’était l’audace de Marthe, d’avoir donné mon nom à ce fils légitime. À certains moments, j’y voyais un défi jeté au sort qui n’avait pas voulu que cet enfant fût le mien, à d’autres moments je n’y voulais plus voir qu’un manque de tact, une de ces fautes de goût qui m’avaient plusieurs fois choqué chez Marthe, et qui n’étaient que son excès d’amour.

J’avais commencé une lettre d’injures. Je croyais la lui devoir, par dignité ! Mais les mots ne venaient pas, car mon esprit était ailleurs, dans des régions plus nobles.

Je déchirai la lettre. J’en écrivis une autre, où je laissai parler mon cœur. Je demandais pardon à Marthe. Pardon de quoi ? Sans doute que ce