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Près de la Marne, je rencontrai le petit Grangier, appuyé contre une grille. Il avait reçu une boule de neige en pleine figure. Il pleurnichait. Je le cajolai, je l’interrogeai sur Marthe. Sa sœur m’appelait, me dit-il. Leur mère ne voulait rien entendre, mais leur père avait dit : « Marthe est au plus mal, j’exige qu’on obéisse. »

Je compris en une seconde la conduite si bourgeoise, si étrange, de Mme Grangier. Elle m’avait appelé, par respect pour son époux, et la volonté d’une mourante. Mais l’alerte passée, Marthe saine et sauve, on reprenait la consigne. J’eusse dû me réjouir. Je regrettais que la crise n’eût pas duré le temps de me laisser voir la malade.

Deux jours après, Marthe m’écrivit. Elle ne faisait aucune allusion à ma visite. Sans doute la lui avait-on escamotée. Marthe parlait de notre avenir, sur un ton spécial, serein, céleste, qui me troublait un peu. Serait-il vrai