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faite à Jacques qu’il méprisait pour n’être ni aviateur, ni habitué des bars.

Paul évoquait toutes les parties d’enfance dont ce jardin avait été le théâtre. Je questionnais, avide de cette conversation qui me montrait Marthe sous un jour inattendu. En même temps je ressentais de la tristesse. Car j’étais trop près de l’enfance pour en oublier les jeux inconnus des parents ; soit que les grandes personnes ne gardent aucune mémoire de ces jeux, soit qu’elles les envisagent comme un mal inévitable. J’étais jaloux du passé de Marthe.

Comme nous racontions à Paul, en riant, la haine du propriétaire, et le raout des Marin, il nous proposa, mis en verve, sa garçonnière de Paris.

Je remarquai que Marthe n’osa pas lui avouer que nous avions projet de vivre ensemble. On sentait qu’il encourageait notre amour, en tant que divertissement, mais qu’il hurlerait avec les loups le jour d’un scandale.