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de la tristesse dans notre île d’amour. Eau et graines venant de moi s’adressaient plus à moi qu’aux fleurs et qu’aux poules.

Dans ce renouveau du cœur, j’oubliais ou je méprisais mes récentes découvertes. Je prenais le libertinage provoqué par le contact avec cette maison de famille, pour la fin du libertinage. Aussi, cette dernière semaine d’août et ce mois de septembre furent-ils ma seule époque de vrai bonheur. Je ne trichais, ni ne me blessais, ni ne blessais Marthe. Je ne voyais plus d’obstacles. J’envisageais à seize ans un genre de vie qu’on souhaite à l’âge mûr. Nous vivrions, à la campagne ; nous y resterions éternellement jeunes.


Étendu contre elle sur la pelouse, caressant sa figure avec un brin d’herbe, j’expliquais lentement, posément, à Marthe, quelle serait notre vie. Marthe, depuis son retour, cherchait un appar-